Le rapport au temps du multipotentiel
Les multipotentiels le disent souvent : « Je n’ai pas assez de temps pour faire tout ce que j’aimerais faire ».
Etre multipotentiel, c’est aimer beaucoup de choses, vouloir faire beaucoup de choses, en changer souvent, et parfois s’arrêter très tôt, souvent sans être allé jusqu’au bout. Par ennui, lassitude, ou attraction irrésistible pour quelque chose d’encore plus nouveau ou intéressant ! Ne vous jetez pas la pierre si vous vous reconnaissez dans cette description… on est tous et toutes pareil(le)s !
Ce manque de temps – ou plutôt, cette sensation de manque de temps – est ressentie de manière particulièrement pointue (et souvent acide) par les scanneurs (un autre nom pour désigner les multipotentiel.le.s).
En effet, quand on est attiré(e) par des dizaines d’activités, quand on envie de tester plein de trucs, on a beaucoup plus l’impression d’avoir un agenda bien trop rempli, des journées bien plus courtes que quand on a deux ou trois loisirs, passions ou passe-temps. En règle générale, ils seront faciles à caler dans une semaine.
J’ai déjà parlé du premier exercice à faire quand on est scanneur dans cet article : faites une liste approfondie de tout ce qui vous attire, vous fait vibrer, vous donne envie d’essayer. C’est essentiel pour commencer à travailler sur votre fil rouge, votre « verbe », votre « boule à facette » personnelle, votre « éventail » de centres d’intérêts (on en parlera plus tard). Au bout d’un moment, quand on travaille assez longtemps dessus, on arrive au point d’avoir la sensation d’avoir fait le tour de son (immense) territoire personnel. Et là (c’est du vécu), on se dit assez vite : « Mais comment pourrai-je tout faire ? Par quoi commencer ? Qu’est-ce qui est le plus important pour moi ? Je veux tout faire tout de suite et en même temps ! ».
Alors on cherche le meilleur outil, l’agenda le plus détaillé, le logiciel le plus sophistiqué, pour essayer de créer des « To Do List », et des plannings dans lesquels faire tout rentrer. Je sais de quoi je parle : j’ai même à une époque développé un TOC à force d’essayer d’optimiser chaque seconde ! Je n’arrivais plus à faire quelque chose d’aussi bête et rapide que de descendre la poubelle sans inscrire la « tâche » dans mon agenda. Rassurez-vous, je suis guérie ! 🙂 Et je m’en suis sortie le jour où j’ai commencé à faire des recherches sur… le temps. La meilleure façon de l’utiliser, la manière dont on percevait le temps, et notre rapport à la durée de notre vie.
Le futur n’existe pas
La première chose dont je me suis rappelée (ma passion pour les neurosciences m’a été utile pour le coup), c’est qu’en fait, notre cerveau nous joue des tours. En effet, et pour faire simple, notre cerveau n’est pas très doué pour distinguer le passé, le présent et le futur. Une très grand partie de notre matière grise est en fait « primitive », et ne fait pas la distinction entre les trois. Le passé est toujours présent, et le futur est… très flou, et très proche. Pour notre cerveau, en fait, envisager le temps sur une longue échelle est difficile. D’où notre tendance à envisager beaucoup de choses dans le présent – sans nous en rendre compte. Notre cerveau intellectuel, le cortex pré-frontal, a bien la connaissance théorique du temps, du futur, des années et des décennies qui viennent. Mais notre « cerveau global » n’est pas super doué pour bien « l’appréhender », en faire le tour, l’inclure vraiment dans notre ressenti et nos visualisations.
Notre temps, lui, est limité
La deuxième chose à prendre en compte, à bien intégrer, c’est ce dont nous disposons. Concrètement, nos envies n’ont quasiment pas de limites, car de nouvelles passions, coups de coeur et attirances naissent tout le temps, parfois chaque jour, quand on est multipotentiel. Mais la vie en a : une moyenne de vie de 78 ans (pour les hommes) à 84 ans (pour les femmes) en France en 2017, et c’est pareil pour tout le monde, 24 heures par jour. Ce sont deux chiffres (deux moyennes) qu’il faut toujours avoir en tête : 80 ans, et 24 heures. 7 jours par semaine, 52 semaines par an. Les fameux Trente Mille Jours de Maurice Genevoix… notre « capital temps » sur notre vie. On a peut-être plusieurs vies, mais en attendant que la réincarnation soit clairement prouvée, soyons pragmatiques et partons du principe que celle qu’on a est la seule qu’on a. Et cette vie, elle est courte, mais elle est aussi… très longue.
Beaucoup de multipotentiels ont découvert cette notion, se sont reconnu(e)s dans les caractéristiques de cette définition, dans ce trait de personnalité, dans ce mode de fonctionnement, en visionnant la vidéo d’Emilie Wapnick, « Pourquoi certains d’entre nous n’ont pas de vocation ».
Sur son blog, l’une des notions importantes dont parle Emilie, c’est notre rapport au temps, qu’elle résume dans cette phrase limpide :
« Multipotentiality is for life. You don’t have to do everything THIS week »
La multipotentialité c’est pour la vie, vous n’avez pas à tout faire CETTE semaine.
C’est très souvent une notion qu’on a du mal à appréhender : on a envie de faire PLEIN de choses, mais on a aussi PLEIN de temps.
… enfin, moins quand on est vieux que quand on est jeune.
Et on est aussi très pressé(e) parfois.
On y revient au point quatre.
Revenir à l’essentiel
La troisième chose, c’est de savoir distinguer l’URGENT de l’IMPORTANT. C’est la fameuse métaphore des galets, des cailloux et du sable.
https://www.youtube.com/watch?v=KmIMB4U739s
C’est un de mes « trucs à moi » : savoir faire le tri entre ce qui compte vraiment pour soi, et ce qui au final, sur l’échelle d’une vie, n’a pas vraiment d’importance. C’est l’exercice assez terrifiant mais très éclairant du… « lit de mort ».
Coupez le téléphone, éteignez la télévision, asseyez-vous, allongez-vous dans un endroit calme. Respirez profondément, et fermez les yeux. Imaginez-vous au crépuscule de votre vie. Et réfléchissez à ce qui, au final, aura été très important pour vous. Ce que vous regretterez le plus de ne pas avoir fait, si vous ne l’avez pas fait.
- Ecrire un roman ?
- Avoir un enfant ?
- Traverser l’Afrique à pied (comme les Poussin après leur mariage) ?
- Sauter en parachute ?
… A vous de piocher dans votre Cahier de Scanneur pour en tirer VOTRE Bucket List, la liste de ce que vous voulez ABSOLUMENT avoir fait avant de quitter cette Terre, au cours de votre vie. Il peut y avoir des choses simples, très faciles à appréhender, et qui prennent peu de temps : « Me faire tatouer ce dessin de dragon que j’ai toujours dans mon sac », ou « Visiter Kyoto pendant une semaine ». Il peut aussi y avoir des choses qui prennent du temps : « Parler couramment japonais ».
On n’a pas tous le même patrimoine de temps
La quatrième chose à bien cerner, c’est le fait que du temps, on en a plus ou moins, et pas seulement parce que nos journées sont bien remplies.
C’est moins facile quand on est vieux que quand on est jeune.
Dans ce cas-là, il faut se concentrer encore plus sur les choses importantes. Mais aussi lister tout ce que vous voulez ABSOLUMENT réaliser ET qui prend en fait peu de temps, qui peut être commencé, et achevé si l’envie est toujours là, sur une échelle plus courte.
Par exemple :
Objectif : lancer un blog sur le look « Steampunk »
Echelle : 3 mois.
C’est tout à fait faisable, même si on commence de zéro. Et un blog, ça peut comporter dix, cent, ou dix mille articles : à vous de voir si votre objectif est de maîtriser WordPress, de parler des styles vestimentaires que vous aimez, de montrer vos propres créations, ou de devenir un spécialiste. Voire d’en tirer un revenu.
C’est un fantasme présent chez beaucoup de multipotentiels : réussir à devenir un spécialiste dans un domaine. On le verra dans d’autres articles, ce besoin d’être spécialiste est essentiellement une pression sociale, culturelle et professionnelle, venant du besoin de définir des gens par des réalisations. Mais comme on parle de temps dans cet article, retenez juste cette information : il faut en moyenne cinq ans pour devenir un spécialiste. Sur quarante ans de « vie professionnelle », vous pouvez donc devenir un spécialiste dans… huit domaines différents. Pensez-y…
On peut aussi est très pressé(e) parfois.
C’est quelque chose qui est ressenti par tous les multipotentiels. Pour deux raisons.
Il y a déjà les habitudes du monde d’aujourd’hui : tout, et tout de suite. Quand on peut découvrir un livre, le commander en ligne et le recevoir chez soi le soir même, on prend l’habitude de tout avoir très rapidement. Une information ou un produit grâce au Web, un ami au bout du fil, un Über au bas de sa porte, un billet d’avion depuis son imprimante… Les outils technologiques du 21ème siècle ont modifié notre rapport au temps. Plus tôt dans l’histoire de l’homme, on intégrait bien le fait que pour fabriquer un bateau, on mettait des mois, des années. Pour une cathédrale, cela pouvait s’étaler sur plusieurs générations… Comme on l’a vu plus haut, en plus, notre cerveau n’est pas très doué pour appréhender toute la durée du futur, il est donc facile d’être dévoré par l’envie de commencer (voire de finir) quelque chose dans la semaine. Tout, tout de suite, et en même temps.
Il y aussi le fait que si on a déjà commencé plein d’activités, de projets, de métiers… sans avoir l’impression d’être allé(e) jusqu’au bout, on perd patience. On en a marre d’être frustré(e), d’avoir l’impression de se décevoir, de décevoir ses proches. On en assez d’attendre, on veut enfin trouver sa voie ET trouver le bon job qui y correspond ET dans la bonne entreprise, dans le bon pays, avec le bon salaire, MAINTENANT. Je connais très bien ce sentiment. Et cela m’a pénalisé plus qu’autre chose de vouloir aller plus vite que la musique. Apprendre, construire, réussir, maîtriser, ça prend du temps.
Conclusion
Pour réussir sa vie de multipotentiel, après avoir listé tous ses projets personnels, surtout ceux qui nous tiennent vraiment à coeur, il faut prendre le temps… de revoir et de reconstruire son rapport au temps. Nous avons une quantité de temps limitée, différente selon les personnes : selon l’âge, le fait d’avoir des enfants ou non, la quantité de temps déjà prise par son activité professionnelle… il faut apprendre à gérer son patrimoine « temps ».
Pour cela, il existe une méthodologie, qui permet de planifier ses projets, et de les rendre ainsi plus concrets. Qui permet aussi de les visualiser en termes de temps réellement nécessaire, en devenant ainsi plus objectif. Cela permet de se projeter sur l’avenir, et de programmer des délais, des étapes, et un but final. C’est aussi très motivant, ce qui peut vraiment aider les multipotentiels qui s’ennuient très vite à se rebooster et à reprendre ce projet à un moment. Cette méthode n’empêche d’ailleurs pas de faire plusieurs choses en même temps, parfois même avec pour chacune un rythme différent.
Je vous propose d’ailleurs ce petit exercice : visualisez vos projets sur les cinq prochaines années. Un an, c’est trop court. Mais cinq ans, cela permet de réaliser la plupart des projets « importants ». Et choisissez :
- soit un « grand projet » dans votre bucket list, comme apprendre et parler couramment une langue, économiser et réaliser un long voyage, rénover une maison, ou monter une entreprise par exemple. Vous ne pourrez pas tout faire. Mais c’est certain, en cinq ans, parmi ces « grands projets », vous pouvez en réaliser un.
- soit une liste de tout ce que vous voulez avoir « essayé » (entamé, lancé, testé…) sur cette période. Que ce soit la couture, le paddle, la peinture sur soie, le yoga, l’écriture d’un roman… tout ce qui vous tente et que vous voudriez vraiment tester en vrai, pour voir si c’est vraiment « votre truc ».
Les autres projets resteront toujours sur votre To Do List, mais concrètement, objectivement, ce sera pour après !
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Merci pour cet article, ces références et ce vidéos. C’est rassurant de voir que ce n’est pas un trouble ou une maladie. J’ai lu une description des compétences potentiellement attendues dans le futur pour les travailleurs dans « A quoi ressemblera le travail demain? », de S. Enlart et O. Charbonnier, et ça m’a paru plutôt ressembler à un profil multipotentiel.
Tu as totalement raison Kim, et cela m’a été confirmé par des prospectivistes spécialistes de l’économie de demain : ceux qui trouveront leur place seront ceux capables de s’adapter et de porter de multiples casquettes…. Bonne nouvelle ! 🙂