Multipotentiel.le.s, ne suivez pas les règles !
Je dois l’avouer, un des mes grands regrets étant adolescente et jeune adulte, a été de ne pas avoir eu assez de recul et d’autonomie pour remettre en question certains principes de vie qui m’ont été inculqué par mes parents, par l’enseignement, et par la société.
Pas facile me direz-vous, quand tout le monde vous explique que la vie c’est comme ça, et pas autrement.
Plus tard, quand j’ai commencé à étudier le sujet, lu des biographies et découvert ces « esprits libres » qui ont mené leur vie en cumulant différentes passions et activités sans se soucier de ce que les autres pensaient d’eux, je me suis quand même mordu les doigts. Je me suis beaucoup reprochée de ne pas avoir eu assez de courage pour m’affirmer telle que j’étais.
Mais ce fut également, encore une fois, une bonne leçon de vie, à savoir qu’il faut toujours remettre en question ce que l’on vous enseigne et ce qui est établi, les règles à suivre.
Ce que vous avez déjà lu et ce que vous allez lire sur le fait d’être un.e multipotentiel.le doit avant tout vous permettre de ne plus vous sentir différent des autres.
Le simple fait de pouvoir mettre un nom sur ce que vous considériez comme une “tare” va déjà vous ôter d’un grand poids. Non, vous n’êtes pas un « loser », une « feignante », un « indécis ». Maintenant vous savez 1/ qui vous êtes et 2/ que vous n’êtes pas seul.e.
Et vous allez aussi comprendre que les règles habituelles qui ont fait de vous un.e « hors normes » sont loin d’être parfaites.
Sortir des règles sociales et du formatage
On ne s’en rend pas forcément compte, comme je l’ai expliqué dans mon précédent article sur les multipotentiel.les, mais on naît et on est dans un contexte social et culturel, religieux, ou spirituel, une société, une civilisation, qui a ses propres règles et ses propres habitudes.
Et cette culture, cette manière de voir la vie, est rarement remise en question.
Ce sont des sortes de commandements immuables, qui il est vrai ne sont pas totalement idiots, mais qui ne conviennent pas pour tout, ni à tout le monde.
Ainsi, on nous apprend dès tout petit qu’il faut finir son repas avant de quitter la table. On nous dit de finir nos devoirs avant d’aller jouer, et de faire l’exercice de maths avant de passer à celui de biologie.
La règle est que toute action commencée doit être terminée avant de passer à une autre.
On nous l’inculque à coups de punitions si nécessaire, sans écouter le propre rythme de l’enfant.
A l’école, on accumule des heures de cours dans un ordre précis, sans se soucier des rythmes et des préférences des uns et des autres – dans l’école publique et privée traditionnelle s’entend, car certains établissements (Montessori, Steiner…) ont justement remis en cause ces principes préétablis.
Pourtant, quand on lit de grands experts en organisation et efficacité, le fait de savoir diviser ses différentes activités en étapes plus petites peut être beaucoup plus efficient et produire plus de résultats.
Souplesse et adaptabilité
Par exemple, savoir mettre en pause l’écriture d’une longue rédaction pour un enfant, d’un rapport pour un adulte, pour aller faire une balade dans la nature, profiter du jour (ou du soleil) avant la tombée de la nuit (ou de la pluie), au bon moment, peut permettre de revenir régénéré, avec plus de motivation et d’idées.
On peut remplacer la balade par une petite corvée ou un petit plaisir, comme lancer une lessive ou regarder une vidéo sur Youtube.
Cela implique de savoir refuser cette injonction du « début-milieu-fin », et d’écouter ses propres rythmes.
Plus tard, on est vite poussé par le système scolaire (ou Pôle Emploi) à choisir un métier, et une bonne fois pour toutes. La société, pour bien fonctionner (croit-elle) a besoin de mettre les gens dans des cases : domaine d’activité, métier, un et un seul, correspondant à une qualification.
On fait d’abord des études, ensuite on travaille pendant 40 ans, enfin on part à la retraite. Le fait d’imaginer alterner études et travail, par exemple, ne fait pas partie de la norme. On ne change pas d’activité, ou très peu, en restant dans son métier et son domaine.
On doit mener jusqu’au bout chaque mission, chaque fonction, et on progresse au fur et à mesure. C’est comme cela que nos grands-parents et nos parents ont réussi à construire leur carrière, en commençant petit et en progressant de manière linéaire. Comme ça a marché pour eux, pourquoi remettre ce concept de linéarité en question ?
Ceux qui préfèrent passer d’une activité A à une activité B, puis C, pour ensuite revenir à A, que ce soit sur une journée ou sur plusieurs années professionnelles, sont souvent vus comme instables, des empêcheurs de tourner en rond qui ne savent pas ce qu’ils veulent. On n’envisage pas une autre façon de fonctionner, qui est celle des multipotentiel.le.s : faire plusieurs choses en parallèle, pour ne pas se lasser, pour avancer sur plusieurs fronts en même temps, ou encore pour tester différents concepts, business, métiers, ou produits.
Quitte à abandonner les moins satisfaisants, mais plus vite qu’en progressant de manière monolithique.
Ces règles masquent en fait d’autres possibilités, des alternatives de fonctionnement, dans tous les domaines de la vie.
Cela traduit un grand manque de souplesse.
Or l’adaptabilité est l’une des clés de la réussite de l’homme dans sa survie depuis l’époque préhistorique.
Comme savoir interrompre une activité pour faire une autre plus urgente, ou qui ne pourra se faire qu’à un moment donné.
Ou avoir l’intelligence de changer de métier quand celui-ci semble condamné à disparaître, aller se former sur un autre poste, dans un autre métier, une branche professionnelle plus prometteuse.
Si l’on part du principe que la société recherche l’efficacité et le résultat, cette façon de mener chaque chose en enfilade n’est pas forcément le bon choix, en tout cas l’unique choix d’organisation.
Le but, quand on passe du temps sur un projet, c’est de le finir, à priori c’est ce qui nous apportera le plus de satisfaction.
D’abord parce que c’est perdre son temps sans arriver au but, ensuite parce que si c’est un rêve, ne pas l’accomplir, en tout cas ne pas avoir été jusqu’au bout et avoir essayé au maximum d’y arriver, c’est frustrant pour tout de monde !
Mais le chemin pour y arriver peut être très différent selon les personnes, comme le timing.
Imaginez l’escalade d’une montagne : on peut choisir différents circuits, plus courts (et raides) ou plus longs (et tranquilles), selon les paysages que l’on préfère voir, selon son niveau de forme – vous marchez 2 heures par jour, ou grimpez à toute vitesse.
Vous pouvez même choisir de vous arrêter à un niveau, et redescendre, car la balade vous a suffit, ou que vous avez atteint votre but à vous.
De même, on peut avoir envie de se mettre à la course à pied juste pour le plaisir, pas forcément avec un objectif : gagner un marathon, courir telle distance en telle durée, perdre X kilos…
La société nous demande de plus en plus d’avoir des objectifs de résultats dans tout ce que l’on fait. Or nos objectifs de vie, il ne nous appartiennent qu’à nous.
Respecter ses rythmes et son mode de fonctionnement
Chaque être humain a son rythme, ses propres capacités, sa propre énergie.
Quand on demande à tous les salariés d’une entreprise de travailler du lundi au vendredi de 9h00 à 18h00, on oublie que certains sont plus efficaces tôt le matin, d’autres tard le soir. Que certains auront du mal à travailler 8 heures d’affilée, que d’autres souffriront du dos ou du bras en restant assis ou en faisant le même geste des heures durant.
Que l’hiver, on a besoin de plus de sommeil, et que l’été moins.
Que tout le monde n’a pas envie de partir le même mois en vacances, et parfois plutôt par petites tranches.
Que tout le monde ne veut pas être salarié, que certains préfèrent travailler plus pour gagner plus, d’autres travailler moins…
Qu’on peut avoir envie de faire une mission de 6 mois en travaillant comme une mule, pour ensuite faire un tour du monde ou écrire un livre.
En tant que salariée, j’avais déjà réussi à introduire quelques changements qui correspondaient à mon propre rythme. J’avais négocié de pouvoir commencer à 9h30, pour éviter les bouchons, et ainsi ne mettre que 20 minutes au lieu d’une heure pour faire le trajet depuis mon domicile. Et je partais une demi-heure plus tard le soir. Je gagnais ainsi 1h20 de temps de loisirs (parce que les bouchons, pour moi en tout cas, c’est pas mon moment préféré) par jour.
Ce qui est énorme !
Je travaillais tout le temps sur un écran, mais j’avais besoin de temps à autre de rendre visite à mes collègues ; je progressais donc sur mon travail, puis régulièrement je quittais mon bureau pour les rejoindre, sans attendre la fin du projet entier, en suivant mes petites étapes de validation.
Je passais d’un projet à l’autre, quand le premier me sortait par les yeux. Ou que je n’arrivais plus à réfléchir.
Je n’hésitais à me lever pour soulager mon dos, à faire des étirements, ce qui m’a d’abord attiré des moqueries de mes collègues, avant qu’ils ne m’imitent, après l’application de directives de la médecine du travail.
Et lorsque j’ai déménagé à proximité de mon lieu de travail, je m’échappais le midi pour déjeuner au calme, sainement, et… faire une sieste ! Ce que je ne disais à personne : la sieste, c’est pour les vieux, ou les mous, les faibles… Pourtant elle me permettait d’être super en forme jusqu’au coucher !
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Etre un.e multipotentiel.le, c’est avant tout être curieux.se.
C’est avoir différentes envies, idées, pulsions, désirs, rêves. Même s’il est plus difficile de réussir tout quand on court après plusieurs lièvres, c’est aussi une grande richesse, qui au final peut aboutir à une vie plus heureuse.
Permettre à un enfant d’essayer plusieurs sports en parallèle, de s’essayer à plusieurs instruments de musique, ou de passer d’un jouet à l’autre, c’est lui permettre de mieux connaître ses goûts, de découvrir ses inclinations, ses talents naturels.
La vie est trop courte pour ne pas faire ce que l’on aime.
Mais elle est aussi très longue : nous avons la possibilité d’avoir plusieurs vies professionnelles, de « switcher » quand un nouveau métier ne nous intéresse plus, de réaliser plusieurs projets, de vivre dans plusieurs pays… Ce serait dommage de se priver de toutes les possibilités que la vie nous offre.
Un.e multipotentiel.le s’oppose à la notion de ce qu’on définit comme un.e « expert.e », c’est à dire un.e spécialiste dans un domaine. Il.elle est l' »explorateur.trice » qui se promène dans différents domaines.
Mais il y a plein de types de multipotentiel.les.
Certain.e.s vont devenir des experts.tes dans un domaine et « scanner » de nombreux autres.
Certain.e.s vont devenir experts.tes dans plusieurs domaines – on parle de « polymathes » : ayant plusieurs compétences.
Certain.e.s passent tout le temps d’un sujet à l’autre, sur une courte ou longue durée, sans jamais y revenir une fois quitté, d’autres fonctionnent « en boucle » sur leurs différents sujets de prédilection, passant de l’un à l’autre, sans forcément scanner d’autres domaines.
Il faut de tout pour faire un monde… mais ils ont souvent le besoin commun de savoir comment gérer cette curiosité incessante et cette boulimie de variété et d’activités.
Etre multipotentiel.le, c’est avoir une vision en éventail, contre ceux qui ont une vision linéaire.
C’est avoir plein de centres d’intérêt au lieu d’une seule grande passion. Et aucune n’est meilleure. Les deux sont bonnes.
Il n’est pas forcément facile de pouvoir stopper un projet, une mission pour passer à une autre dans son travail, mais on peut demander à avoir plus de liberté dans son organisation, ou changer de travail, pour un poste ou métier qui présente plus de variété.
Et dans sa vie privée, il existe plein de petits trucs pour suivre son enclin naturel tout en arrivant à finir ce que l’on a commencé, sans avoir l’impression de renoncer à certains projets, sans s’ennuyer, sans se sentir en échec. En suivant ses propres inclinations et sa propre nature.
En savoir plus sur Sophie Barbarella
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Oulala, quelle belle progression neuronale. Merci pour cet article Ô combien rafraîchissant. J’entrevois ma deuxième vie, sous un nouveau jour Tranquillisant et rassurant
. Je ne pensais que mono-orientation-métier et je n’avançais pas. Mais là tout s’éclaire. Et c’est vraiment bien plus satisfaisant. Il va falloir jongler avec les cartes de visite, et/ou inventer un zèbre à 6 pattes. D’ailleurs dans ce registre, Agip, l’a bien fait, lui !
Merci pour cet article très enrichissant et rassurant. Reste plus qu’à travailler sur soi pour gérer tout ça 🙂